Etre militant LGBT dans les pays qui bordent la Méditerranée : une lutte risquée

Pride marches in Dublin and Galway, August 2012.

Il y a cinq ans et après des mois de mobilisations, la loi sur le « mariage pour tous » à été adopté en France. Si depuis, près de 40 000 couples (INSEE) ont vu leur projet d’union se concrétiser, pour d’autres le mariage n’est pas envisageable. En cause, des pays fermés à la discussion, voir des pays criminalisants l’homosexualité. Témoignages de deux militants LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans) tunisien et algérien. 

Si en France, le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe a été définitivement adopté le 23 avril 2013, d’autres pays restent à la traine. Aujourd’hui à Marseille a eu lieu la « Marche des fiertés ». Pour sa 25e édition, la Pride Marseille avait pour thème : « Nos amours dépassent les frontières ». « On parle de toutes les frontières : de la ville, des âges, des critères esthétiques, de genre. Ce sont toutes ces barrières que l’on veut faire tomber », explique Alain-Marc Deluy, co-président du collectif Idem (identité, diversité, égalité, Méditerranée). L’occasion de s’interroger sur le traitement inégalitaire des personnes LGBT dans les pays de la Méditerranée.

 

Crédit photo : Clémens illos
Crédit photo : Clémens illos

Une mobilisation secrète.

Si en France les manifestations publiques sont autorisées chaque année, ce n’est pas le cas dans tous les pays qui bordent la Méditerranée. En Algérie, le gouvernement et le peuple sont opposés à ce type de mobilisation. Alors depuis 2006, les militants LGBT algériens ont instaurés leur propre journée nationale. Le ten/ten (10 Octobre). « Notre pride à nous c’est d’allumer une bougie à 20h. Au début nous n’étions pas nombreux, aujourd’hui il y a des brésiliens, des français, des turcs qui nous soutiennent dans ce moment symbolique » raconte Zoheir Djazair, Co-fondateur de l’organisation TransHomoDZ à Alger. Crée en 2014 suite aux violences subis par des personnes LGBT dans le pays, le mouvement tente de dénoncer l’incitation à la haine que prône les médias algériens, la passivité des forces de police à l’égard des viols subis par ces personnes LGBT . Faire sortir ses violences du silence, être considérés comme des personnes à part entière et ne plus subir de discriminations de genre ou de sexe, voici l’étendu des actions quotidiennes de l’association.

 

Nul ne doit être privé de ses droits parce qu’il est « différent ».

« L’article 230 du Code pénal tunisien dispose : « l’homosexualité féminine ou masculine est punie de l’emprisonnement pendant trois ans” indique Mounir Baatour, président de l’association Shams à Tunis. L’article datant de 1913, criminalise les relations privées de personne du même sexe. Pire, pour déceler l’homosexualité d’une personne l’état s’octroie le droit d’un test médical avant l’incarcération de la personne suspectée. Si cet article bafoue la question de l’intégrité physique et de la dignité humaine d’une personne, les gouvernements mettant en place ces pratiques ne respectent pas non plus la Commission internationale de lutte contre la torture des Nations Unies. Cette pratique étant considérée depuis le 4 octobre 2014, comme un acte de torture. En Algérie, « les femmes homosexuelles sont mariées de force » souligne Zoheir Djazair, représentant LGBT à Alger. Des conséquences lourdes pour des personnes victimes quotidiennement de discriminations.

Mais le combat ne s’arrête pas la. Dans l’une des plus grandes prisons d’Alger, El-Harrache, « il y a un endroit appelé les cabanons. C’est ici que sont placés les homosexuels ou personnes transgenres, qu’ils soient condamnés pour cela ou pour autre chose (comme un vol), poursuit le militant algérienSi les trois années d’enfermement freinent certains à vivre leur homosexualité en Algérie, c’est essentiellement pour les actes homophobes ou transphobes subis dans ces endroits réservés aux personnes considérées comme criminelles. Le constat n’est pas plus brillant en Tunisie. « Beaucoup de personnes LGBT sont poussées au suicide » explique Mounir Batour, dont l’association qu’il préside lutte contre cela.

« Quand tu es militant LGBT tu risques 10 ans de prison car on considère que tu fais l’apologie d’un crime. Un avocat nous a expliqué un jour qu’être homosexuel c’est comme être un terroriste mais non armé, puisque l’on se réunis pour promouvoir un crime, donc pour le gouvernement nous sommes une association de malfaiteur » conclu Zoheir Djazair.

 

Amnesty International, s’associe à la cause des personnes LGBT. Le mouvement mondial précise, qu’en 2018, 80 pays considèrent encore l’homosexualité comme illégale, et certains autres comme le Yémen, le Soudan ou l’Iran, exécutent les personnes homosexuelles. Si en France, les personnes LGBT revendiquent leurs droits concernant la procréation médicalement assistée (PMA) ou la gestation pour autrui (GPA), beaucoup de militants de pays méditerranéens sont encore loin de pouvoir se battre pour cela sans être emprisonnés.

 

Aurore Murat

 

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