Entreprendre: un moyen de changer le monde?

ticket for change

C’est dans une salle comble de la Friche de la Belle de Mai dans le 3ème arrondissement de Marseille que les entrepreneurs de la 5ème édition du Parcours Entrepreneurs de Ticket For Change étaient réunis le 29 aout dernier. Le thème de la soirée, « Vive les galères ! » Car oui, se lancer dans l’entrepreneuriat c’est aussi et d’abord être prêts à défendre son projet envers et contre tout. De la simple galère administrative aux erreurs de débutants, chacun est venu faire part de son expérience, son parcours, ses craintes et ses plans d’avenir lors d’une soirée aussi studieuse que déjantée.

Parmi ces entrepreneurs Azad, Marie, Aline, Lakhdar et Agathe. Leur ambition ? Œuvrer pour un monde plus juste, plus équitable, plus conscient et plus solidaire. C’est dans cet objectif qu’ils ont été sélectionnés pour la 5ème édition du Parcours Entrepreneurs, avec une trentaine d’autres jeunes ambitieux.  Portant leur projet et leur profond désir d’innovation, ils ont parcouru les routes de France et se sont donnés 6 mois. 6 mois pour créer leur start-up à impact positif. 6 mois pour changer le monde, à leur manière. L’équipe de Choof les a rencontrés.

 

Une multitude de regards pour de nouvelles solutions

 

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Azad Bapir a 27 ans. Il vient de Seine Saint-Denis et souhaite initier à l’entreprenariat des jeunes de banlieue parisienne. « J’aimerais qu’il y ait plus de diversité et je me rends compte qu’il y a un manque d’information et d’accompagnement et que les jeunes ne comprennent pas toujours les codes et le jargon entrepreneurial. Mon association vise à démocratiser tout ça. »

« On dit souvent que Paris deviendra prochainement la capitale mondiale de l’entrepreneuriat. Mais ce sont toujours les mêmes qui dirigent ce système. »

Par le biais du programme initié par Ticket For Change, Azad a pu rencontrer des entrepreneurs sociaux de Marseille, écouter leurs parcours, mieux comprendre leurs échecs et leurs galères mais surtout pouvoir comparer les problématiques entre les banlieues parisiennes et les quartiers nord de Marseille. Et son constat est sans appel. « Je me rends compte qu’il y a beaucoup de similitudes, notamment sur le manque de diversité de ceux qui accèdent à l’entreprenariat. On dit souvent que Paris deviendra prochainement la capitale mondiale de l’entreprenariat. Mais ce sont toujours les mêmes qui dirigent ce système. Il n’est pas accessible à tous. Si Paris veut devenir cette capitale mondiale, il faut qu’une multitude de personnes de milieux et de sexes différents soient représentés. Une multitude de regards c’est une multitude de nouvelles solutions proposées. C’est cela mon objectif. »

 

Pour Marie Doue, changer le monde c’est d’abord œuvrer pour l’égalité. Son projet, participer à l’inclusion sociale des migrants par une logique de valorisation de leurs talents. « Je suis étrangère moi-même et je suis passée par des difficultés avant de trouver la bonne porte, le bon interlocuteur. C’est par rapport à cette expérience personnelle que j’aimerais tendre la main à ceux qui arrivent ici. » Son parcours personnel a poussé Marie à se lancer dans l’entreprenariat pour professionnaliser ses ambitions humanistes.

« Ce que j’aimerais vraiment c’est permettre à ces gens-là que l’on n’entend pas mais qui font pourtant partie intégrante

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du système économique français de prendre la parole, de dire ce qu’ils ont à dire. Tout le monde a droit à la dignité. Les gens viennent ici avec leurs valeurs, leurs histoires mais aussi leurs savoir-faire. Personne ne prend la place de personne, on vient ici aussi pour enrichir le pays. Les migrants africains notamment, suivent l’Histoire que la France elle-même a mis en place avec nos ancêtres il y a des années. Alors c’est un peu l’Histoire qui continue, mais autrement… Permettre à ces gens d’accéder à des emplois selon leurs compétences c’est assurer le respect de leur dignité ».  Le programme « Ticket For Change » a permis à Marie de concrétiser une idée qui n’était qu’au stade embryonnaire et de voir plus grand. Et c’est elle qui le dit, « voir grand c’est le seul moyen d’arriver à réaliser des choses positives ».

 

Revaloriser les savoir-faire

Aline Franconnet a 28 ans et elle vient de Nantes. Mêler écologie et réinsertion sociale, c’est sa façon à elle de vouloir

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changer le monde. « Mon projet à moi c’est la commercialisation de linge de maison éthique. Ethique, cela signifie qu’écologiquement, ce linge a un impact moindre. Et ensuite, sur un plan social, je voudrais profiter de ces produits pour encourager la réinsertion de personnes marginalisées socialement et professionnellement. » Malgré sa brillante initiative, Aline doit se confronter à la complexité de l’industrie textile, très délocalisée.

« Ce sont des savoir-faire que l’on a en France alors pourquoi importer nos housses de couettes de l’autre bout du monde, du Bangladesh notamment ? Il faut revaloriser nos savoir-faire et surtout limiter l’impact écologique des produits de tous les jours. J’ai pensé qu’il y avait vraiment quelque chose à faire et que chacun pouvait s’engager sur ce petit achat finalement. »

A l’idée que son projet pourrait, à petite échelle, changer le monde, la nantaise sourit. « Ma vision, ce que j’aimerais, c’est vivre dans un monde avec plus de bon sens dans son fonctionnement et sa consommation, plus bienveillant et attentif aux autres. Même s’il y a 10 000 autres façons de changer le monde, ce projet de linge de maison c’est ma manière à moi d’essayer de nous rendre plus conscients. »

 

Lakhdar Kherfi et Agathe Gindele se sont associés sur le projet Demain10h qui, à long terme, prendra la forme d’une application à destination des jeunes de banlieues. Cette « appli » proposera des offres d’activités culturelles, éducatives ou sportives dans le but de leur faire vivre des expériences nouvelles. A plus grande échelle, ces expériences seraient une ouverture au monde pour ces quartiers dits « sensibles » souvent repliés sur eux-mêmes.

« Aujourd’hui, dans les quartiers, on a affaire à une jeunesse qui est pour beaucoup abandonnée et plus ou moins livrée à elle-même ».

Quand on demande à ces jeunes ce qu’ils veulent faire plus tard, la réponse est souvent « j’en sais rien ». S’ils ne savent pas c’est qu’ils n’ont goûté à rien finalement. C’est le but de l’application qu’on aimerait mettre en service. Leur faire découvrir des choses, peut-être éveiller des vocations. Ils pourraient ainsi passer une heure en entreprise, une heure au sein d’un restaurant, une heure chez les pompiers…l’objectif étant qu’ils puissent choisir de s’orienter vers quelque chose qui les intéresse vraiment. »

Le rapport Borloo sur les banlieues datant d’avril dernier parlait de 500 000 jeunes en pieds d’immeubles. Des chiffres éloquents qui soulignent l’intérêt mais aussi l’urgence de la mise en place de tels projets. « Si l’on ne peut pas être certains des chiffres évoqués, la vérité est indéniable. Nous avons beaucoup trop de jeunes en bas des immeubles qui n’ont le choix qu’entre la religion, les petits boulots ou les trafics. C’est souvent comme ça qu’ils grandissent donc toute porte ouverte est la bienvenue. Cette application, ça pourrait être l’une de ces portes. Changer le monde, ça passe par l’éducation de la jeunesse, alors en ciblant les 16-25 ans, on a réellement le sentiment de proposer quelque chose de cohérent pour rendre l’avenir meilleur.»

 

Cette année, c’est fort de ces projets, aussi innovants qu’humanistes, que le programme Entrepreneurs  « Ticket For Change » peut se targuer d’encourager les héros de demain. Des héros anonymes, de tous les milieux, de tous les âges qui font de leur rêve d’un monde meilleur leur ambition professionnelle. Loin des héros de Marvel , ces héros-là ne sont ni masqués ni détenteurs de super-pouvoirs. Ils sont des hommes et des femmes aujourd’hui, concernés par le monde qui les entoure, conscients de la responsabilité de chacun dans la construction d’un avenir meilleur, innovant et altruiste. C’est l’ambition première de « Ticket For Change ». Mettre en avant ces gens qui veulent changer les choses, qui y travaillent dur et qui sauront, nul n’en doute, rendre ce monde plus juste.

 

Clémence BOEUF

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